De sa famille, on connaît l'essentiel, mais pas le plus important. Né d'un père polonais et d'une mère allemande, I1 a passé son enfance à Montrouge, avec ses deux frères, Robert et Pierre (un révolté de mai 68, assassiné en 1979 à 1 âge de trente-cinq ans), et sa soeur Evelyne. Puis entre deux cours à l'Ecole des hautes études commerciales, le voilà apprenti vendeur dans le magasin de chaussures de sport de son père.

Au moment de sa gloire naissante, alors que d'autres auraient largué les amarres pour trouver refuge dans les beaux quartiers, J.J. a décidé d'assumer ses origines, préférant, par exemple, aux plages surpeuplées de Saint-Tropez 1'anonymat tranquille du Lavandou.

Toujours plongé dans un mutisme profond quand il s'agit de son clan, soudain, dans cet album, une chanson dévoile tout de sa sensibilité de fils : Bonne idée, un résumé humoristique de sa vie, un parcours en pointillé de son bonheur de naître et d'être ce qu'il est devenu. " Un début de janvier, si j'ai bien su compter. reste de fête ou bien voeux très appuyés, de Ruth ou de Moïshé, lequel a eu l'idée ? Qu'importe, j'ai gagné la course... Et puis j'ai vu de la lumiere. Alors je suis sorti et j'ai dit : "bonne idée".

Récemment d'ailleurs, dans le magazine L'Express, le chanteur confiait : " Dans cette chanson, la plus grande fierté de mes parents, c'est que je revendique leurs prénoms. Ils m'ont appris le sens des valeurs, l'amour de la France, le fait que rien ne va jamais de soi. Je suis essentiellement ce qu'ils étaient, ce qu'ils m'ont inculqué."

De même, côté coeur, notre poète introverti joue la carte du mystère. Depuis vingt-six ans, il dit partager la vie de Catherine. la mère de ses trois enfants, Caroline. qui a vingt et un ans, Michaël. qui en a dix-huit, et Nina. douze, dans un pavillon de Montrouge, à quelques mètres de chez sa mère. Mais à l'heure ou d'autres aiment s'afficher dans les soirées branchées ou dans les lieux de villégiature "haut de gamme", lui continue de se terrer dans les refuges de ses secrets.

Evidemment, il sait chanter l'amour, surtout celui des autres. Mais lui, homme amoureux, pourquoi ne 1'entend-on jamais prononcer un simple " Je t'aime ?" . Et puis, au hasard de la mélodie, avec " Sache que je", le voilà pudique impudique, dévoilant toutes les faiblesses de son coeur, sa méfiance d'homme trop passionné pour être bavard : " Il y a des ombres dans je t'aime, y'a du contrat dans ces mots- là. Il y a une question dans je t'aime qui demande : "Et m'aimes-tu, toi ?"

Jean-Jacques aime-t-il encore Catherine ? Il est vrai que, depuis quelques mois, la rumeur court, insinuant une éventuelle séparation. I1 y a cinq ans, en évoquant sa compagne, l'intéressé révélait simplement : " On vit cette popularité avec distance. L'important, ce sont nos relations et comment nous allons vieillir ensemble. Nous ne nous sommes jamais permis de rêver. Dés le début, je pensais écrire pour les autres et rester dans notre boutique de sport de Montrouge. Nous agrandir, acheter un autre magasin, c'était ça mon monde, et j'y étais bien. "

L'usure du temps

En ce qui concerne l'homme face à l'usure du temps, il se pose les mêmes questions dans sa chanson "En passant". Comme il le confie au cours d'une interview : " Les années passent, c'est une simple constatation. Quand je lis, je mets des lunettes. Quand je joue au tennis, je n'ai plus la même pêche. Mais je ne crains pas de vieillir. Je pense même au moment où je serais vieux. Peut-être aurais-je le temps que je n'ai pas aujourd'hui."

Ainsi, Goldman dit tout sans rien avouer. Derrière le mari, père de famille, banlieusard d'adoption, féru de moto et de tiberté, se cache la plus importante des histoires. Celle d'un homme en or qui, au-delà de la gloire, a su faire de son quotidien le plus beau des codes secrets. Lui qui se plaignait en disant : " S'il m'était possible de retrouver l'anonymat, je signerais ", vient de tester la recette miracle : taire son intimité pour faire de ses tabous ses plus belles mélodies.

Stéphanie LOHR